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Dans l’un de mes écrits intitulé ‘’La multiplicité des récits’’ publié sur le site Oujdacity et dans mon livre ‘’Guide de lecture des œuvres’’ édité à compte d’auteur malheureusement depuis longtemps épuisé, j’ai fait remarquer que la Boîte à Merveilles foisonne de récits qui, dans la plupart des cas, n’ont aucune incidence les uns sur les autres. Il s’ensuit que les nombreux récits qui tapissent l’œuvre, nécessitent la mise en place d’une stratégie d’identification des différents narrateurs à qui il a été institué de prendre en charge la narration de chacun des récits. La Boîte à Merveilles, roman à caractère autobiographique d’Ahmed Sefrioui, offre aux lecteurs deux formes de narration distinctes et aux frontières bien définies.

A- La première forme de narration est dite extradiégétique ou extratextuelle. Dans cette forme, la charge de la narration est confiée à un narrateur virtuel dit pour des besoins de communication narrateur premier. C’est sous la narration première que s’effectuent les autres formes de narrations, ou narrations secondes. Le narrateur virtuel, extradiégétique, extratextuel ne peut l’être que pour des narrataires virtuels, extradiégétiques, extratextuels, qui ne sont autres que les lecteurs. Entre le narrateur virtuel et les lecteurs virtuels, il y a un espace dit de point mort ou de séparation. En effet, les lecteurs d’un livre ne sont réellement lecteurs que lorsqu’ils ont entre les mains le livre en question et qu’ils le lisent de manière effective, réelle. Mais comme l’acte de narrer est antérieur à celui de lire, le narrateur est en position d’antériorité par rapport au lecteur. L’acte de lire est donc différé par rapport à celui de narrer. En conséquence, si d’emblée le narrateur raconte pour des narrataires potentiels, virtuels, il est dans la même situation qu’eux, c’est-à-dire potentiel, virtuel. Le point de séparation entre l’un et les autres est l’acte différé de lire. De plus, même si les lecteurs virtuels lisent le livre de manière réelle et effective, ils n’en sont pas moins virtuels, car non nommément désignés par le narrateur pour qui il effectue l’acte de narrer.

Le narrateur premier ou virtuel de le Boîte à Merveilles, qui donne l’impression qu’il se faufile derrière Sidi Mohammed le petit garçon pour se substituer à lui, pour se confondre avec lui, risque d’être pris pour lui. En effet, le lecteur a tendance à matérialiser le narrateur, à lui donner une forme physique, aussi donne-t-il au narrateur de ce roman le profil de Sidi Mohammed. Les lecteurs doivent distinguer entre celui qui narre et celui qui écoute narrer, entre le narrateur et le narrataire. Le premier est le narrateur, et il est virtuel, le second le narrataire et il est réel. Le premier se réduit à un JE narrateur premier, le second est Sidi Mohammed, un personnage, un narrataire réel. Les exemples sont nombreux pour illustrer ce fait propre au roman autobiographique, et en particulier à la Boîte à Merveilles que je prends pour exemple et non comme échantillon. Quand Lalla Zoubida relate à son mari le récit de la dispute de Moulay Larbi avec son associé ou quand Maalem Abdeslam raconte à sa femme l’histoire de Abdellah l’épicier, ou quand Salam la marieuse celle du remariage de Moulay Larbi avec la fille du coiffeur, ou encore quand Lalla Zoubida raconte à son mari la disparition de Zineb…Sidi Mohammed écoute, sans réagir, ces nombreux récits faits par d’autres personnages du roman. Il n’est dans ces différentes situations qu’un auditeur réel, un personnage physique. Il change donc de statut en fonction de la forme de narration : tantôt il est narrateur virtuel, tantôt narrataire réel.

B- La seconde forme de narration est dite intradiégétique, intratextuelle. Cette forme de narration se caractérise par la multiplicité des narrateurs dits seconds. En effet, beaucoup de personnages de la Boîte à Merveilles deviennent à leur tour des narrateurs. A l’inverse du narrateur premier, les narrateurs seconds sont réels, physiques. En conséquence, les narrataires auxquels ils adressent leurs discours sont eux aussi réels, physiques. En effet, les narrateurs et les narrataires sont des personnages du roman. Si le narrateur virtuel utilise le mode du récit dans sa narration, les narrateurs réels utilisent, quant à eux le mode du discours ou alternent entre l’un et l’autre mode de narration.

Considérons les narrateurs et les narrataires réels :

-Lalla Zoubida raconte la disparition de Zineb et la dispute de Moulay Larbi avec son associé Abdelkader à son mari et à leur fils, Sidi Mohammed personnage auditeur.

-Maalem Abdeslam raconte l’histoire de Abdellah l’épcier à sa femme et à son fils Sidi Mohammed personnage audieur.

-Salama raconte l’histoire du remariage de Moulay Larbi avec la fille du coiffeur à Lalla Zoubida, à son fils et à Lalla Aicha.

Comme on peut le constater, le narrateur virtuel premier que les lecteurs de la Boîte à Merveilles risquent de confondre avec le personnage Sidi Mohammed s’adresse à des narrataires virtuels premiers différés qui sont les lecteurs, alors que les narrataires seconds réels qui sont les personnages de l’œuvre s’adressent à des narrataires seconds réels actuels également des personnages de l’œuvre.

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