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Zaid Tayeb

Ce qui fait la particularité du ‘’ Le Dernier Jour d’un Condamné’’ de Victor Hugo et en particulier génère des difficultés pour les jeunes apprenants est, d’une part le jargon juridique et pénitencier et, de l’autre, les nombreuses interventions de l’auteur dans le récit. Ces interventions sous forme d’achronies ou de rétrospections, portent des altérations à la chronologie du récit : elles servent à l’auteur à déclencher des retours sur des récits antérieurs. C’est leur fréquence qui rend la lecture malaisée pour les jeunes lecteurs et surtout pour les étudiants des classes des premières années du baccalauréat marocain. On peut en dénombrer un bon nombre de ces achronies mais on retiendra les plus expressives d’entre elles.

Le lecteur s’aperçoit bien vite que le roman est fractionné en 49 chapitres et que les chapitres sont groupés par titres. Ainsi ‘’Bicêtre’’ regroupe en lui 21 chapitres, ‘’’’La Conciergerie’’26 chapitres et ‘’D’une chambre de l’hôtel de ville’’ 2 chapitres. Il s’aperçoit également que chaque fois que Victor Hugo passe d’un lieu à un autre, il effectue une rétrospection, ce qui est de nature à semer la confusion dans les têtes de nos jeunes étudiants.

Je vais, dans ce modeste écrit, essayer de mettre un peu de lumière sur les achronies les plus significatives et qui servent à contribuer à la structure un peu particulière du roman. Mais les lecteurs ne m’en veulent pas si je commence par les plus simples d’entre ces rétrospections ou analepses, comme les appelle Gérard Genette dans l’une de ses Figures.

1-De la Conciergerie (Chap.XXII) : Le chapitre en question commence ainsi : ‘’Me voici transféré, comme dit le procès verbal. Mais le voyage vaut la peine d’être conté’’. Et il se termine ainsi :’’Huit heures et demie sonnaient à l’horloge du Palais au moment où nous sommes arrivés dans la cour de la Conciergerie’’. Le narrateur doit donc revenir à Bicêtre qu’il a quitté à sept heures et demie ‘’Sept heures et demie sonnaient lorsque l’huissier s’est présenté de nouveau au seuil de mon cachot’’ ( début du chapitre XXII) pour raconter au lecteur le trajet qui sépare la prison de la Conciergerie. L’analepse ouverte au début du chapitre XXII est fermée à la fin du même chapitre. La projection dans le passé constitue la portée de la rétrospection et le voyage son amplitude. Elle aura donc une portée d’une heure et d’une amplitude de même durée. C’est donc une analepse parfaite.

2- D’une chambre de l’hôtel de ville : ‘’De l’hôtel de ville !….-Ainsi j’y suis. Le trajet exécrable est fait………………………….On m’a déposé ici, et l’on est allé chercher quelque procureur du roi. Je l’attends, c’est toujours cela de gagné.

Voici : Trois heures sonnaient….’’ Chap. XLVIII. Ici s’ouvre l’analepse qui permet au narrateur condamné de revenir à la Conciergerie pour raconter aux lecteurs son transfert vers l’hôtel de ville où il arrive quelques minutes avant l’heure de l’exécution fixée à quatre heures. Contrairement à la première analepse dont la portée et l’amplitude sont définies, dans celle-ci, la portée est fixée à une heure mais l’amplitude demeure moins précise mais de moins que la portée.

3- Bicêtre : Je crois que la plus ample des analepses qui contribuent à structurer l’œuvre est celle du chapitre II. Elle s’étale sur une durée de cinq semaines et trois jours : cinq semaines depuis que son arrêt a été prononcé et trois jours de déroulement de son procès. ‘’Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée…’’ (Chap.I) ; ‘’C’était par une belle matinée d’août. Il y avait trois jours que mon procès était entamé…’’(Chap.II). Le chapitre II constitue donc une rétrospection de Cinq semaines et trois jours.

A quoi servent donc ces rétrospections ? Sûrement pas à dérouter le lecteur quoiqu’elles y contribuent de manière très marquée. ‘’De la Conciergerie’’où il est physiquement, il revient à Bicêtre par l’esprit pour la première, et ‘’D’une chambre de l’hôtel de ville’’ à la Conciergerie pour la seconde. Cependant la deuxième rétrospection sert à meubler le temps. En effet en attendant que les responsables répondent à sa requête ‘’J’ai une dernière déclaration à faire’’ (Chap.XLVIII), le narrateur saisit cette occasion pour instruire les lecteurs sur son transfert de la Conciergerie à l’hôtel de ville. Quant à la troisième, le narrateur est à Bicêtre mais il revient à la Conciergerie pour raconter aux lecteurs son procès et sa condamnation à mort.

En conclusion, d’autres rétrospections non moins importantes tapissent le roman, elles ont droit à un autre écrit.

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