Les programmes actuels de français des troncs communs, décriés et mis à l’index par le dénommé Abdellah Dekhissi, porte parole et membre de l’équipe chargée de préparer de nouveaux programmes, sont loin de porter en eux les qualificatifs largement dévalorisants qu’il leur colle. En effet, il dépeint les nouveaux programmes à la préparation desquels il a participé et dont j’ai montré les faiblesses et les torts dans trois articles à caractère critique* comme une rupture totale avec des ‘’années d’aberration et d’arbitraire’’**. Je lui souffle à l’oreille, à lui et à son équipe qui ont réduit l’apprentissage de la langue française à la lecture de simples textes isolés, tronqués, mutilés et sans âme, que les meilleurs moments que j’ai passés en ma qualité de professeur de français, quand j’étais encore en exercice, ils avaient été avec les troncs communs et les deuxièmes années du cycle qualifiant pour la qualité et la profondeur des contenus de leurs programmes et pour l’enchaînement de ses apprentissages. Pour mémoire et afin d’associer et d’impliquer à notre discussion les lecteurs intéressés par les apprentissages qu’offre l’école publique à nos enfants, je me permets de reprendre les contenus des quatre modules des l’année scolaire des troncs communs de la classe de français.
-Module 1 : Les types de textes
-Module 2 : Une nouvelle réaliste : la Ficelle ou Aux Champs de Gustave Flaubert
-Module 3 : Une nouvelle fantastique de Théophile Gautier
Module 4 : La comédie : le Bourgois gentilhomme de Molière.
1- Les types de textes, bien abordés, donnent aux professeurs la possibilité de faire prendre connaissance à leurs apprenants des formes fondamentales d’écriture dont ils devront connaître la structure et les outils nécessaires qui les gouvernent et qui permettent de distinguer sans équivoque les uns des autres. En ma qualité d’ancien professeur de français, j’ai remarqué que certains de mes collègues, par paresse, par manque d’information ou par insuffisance de formation, se contentaient de remettre à leurs élèves un tableau récapitulatif dans lequel figurent les types de textes avec leurs définitions ou explications. Je crois que les professeurs de français ont suffisamment de temps (un module) pour aller plus en profondeur afin de permettre à leurs élèves de prendre connaissance des types de textes d’abord et d’en produire par la suite. Le type argumentatif, à titre d’exemple, qui est l’objet de la production écrite de l’examen régional, et qui est sans doute le roi de tous les types, se doit de lui être consacrée une part plus importante.
Je vais essayer de donner aux professeurs en activité, et surtout à ceux qui ont été formés de manière hâtive au métier d’enseignant, quelques rudiments pour aborder les types de textes en variant au besoin les genres.
I- Le type narratif : A- le roman
J’étais enfant et je jouais près de la case de mon père. Quel âge avais-je en ce tempslà ? Je ne me rappelle pas exactement. Je devais être très jeune encore : cinq, six ans peut- être. Ma mère était dans l’atelier, près de mon père, et leurs voix me parvenaient, rassurantes, tranquilles, mêlées à celles des clients de la forge et au bruit de l’enclume. Brusquement j’avais interrompu de jouer, l’attention, toute mon attention, captée par un serpent qui rampait autour de la case, qui vraiment paraissait se promener autour de la case ; et je m’étais bientôt rapproché. J’avais ramassé un roseau qui traînait dans la cour – il en traînait toujours, qui se détachaient de la palissade de roseaux tressés qui enclôt notre concession – et, à présent, j’enfonçais ce roseau dans la gueule de la bête. Le serpent ne se dérobait pas : il prenait goût au jeu ; il avalait lentement le roseau, il l’avalait comme une proie, avec la même volupté, me semblait-il, les yeux brillants de bonheur, et sa tête, petit à petit, se rapprochait de ma main. Il vint un moment où le roseau se trouva à peu près englouti, et où la gueule du serpent se trouva terriblement proche de mes doigts. Je riais, je n’avais pas peur du tout, et je crois bien que le serpent n’eût plus beaucoup tardé à m’enfoncer ses crochets dans les doigts si, à l’instant, Damany, l’un des apprentis, ne fût sorti de l’atelier. L’apprenti fit signe à mon père, et presque aussitôt je me sentis soulevé de terre : j’étais dans les bras d’un ami de mon père !
Camara LAYE, L’enfant noir
A- Autour du texte
-Cadre spatiotemporel : quand ? Où ?
-Personnages : qui ?
-Histoire: quoi ?
B-Schéma narratif ou schéma quinaire :
Situation initiale
Force transformatrice (recherche de l’élément perturbateur)
Action : péripéties
Force équilibrante
Situation finale
I- Le type narratif : B- le conte
Les ducats tombés du ciel
Il était une fois une petite fille dont le père et la mère étaient morts. Elle était si pauvre qu’elle n’avait ni chambre ni lit pour se coucher ; elle ne possédait que les vêtements qu’elle avait sur le corps, et un petit morceau de pain qu’une âme charitable lui avait donné ; mais elle était bonne et pieuse.
Comme elle était abandonnée de tout le monde, elle se mit en route à la garde du bon Dieu. Sur son chemin, elle rencontra un pauvre homme qui lui dit :
– Hélas ! J’ai si grand’ faim ! Donne-moi un peu à manger.
Elle lui présenta son morceau de pain tout entier en lui disant :
– Dieu te vienne en aide ! Et continua de marcher.
Plus loin, elle rencontra un enfant qui pleurait, disant :
– J’ai froid à la tête ; donne-moi quelque chose pour me couvrir.
Elle ôta son bonnet et le lui donna. Plus loin encore elle en vit un autre qui était glacé faute de camisole et elle lui donna la sienne ; enfin un dernier lui demanda sa jupe, qu’elle lui donna aussi.
La nuit étant venue, elle arriva dans un bois où un autre enfant lui demanda une chemise. La pieuse petite fille pensa : « Il est nuit noire, personne ne me verra, je peux bien donner ma chemise » et elle la donna encore.
Ainsi elle ne possédait plus rien au monde. Mais au même instant les étoiles du ciel se mirent à tomber, et par terre elles se changeaient en beaux ducats reluisants et, quoiqu’elle eût ôté sa chemise, elle en avait une toute neuve, de la toile la plus fine. Elle ramassa les ducats et fut riche pour toute sa vie.
A- Autour du texte
Caractéristiques propres au compte :
– La formule d’entrée : Il était une fois
– Le cadre spatiotemporel indéfini : Où ?
Quand ?
– Les personnages : Qui ?
B-Schéma narratif
a- situation initiale
b- force transformatrice
c- action : aspect itératif répétitif de l’action
d- force équilibrante
e- situation finale
C- Morale du conte
I- Le type narratif : C- L’autobiographie
Je me rappelle mes désirs d’enfant. Comme je comprends aujourd’hui les envies toutes-puissantes de mon premier âge !
Je revois avec une singulière précision une poupée qui, lorsque j’avais dix ans, s’étalait dans une méchante boutique de la rue de Seine. Comment il arriva que cette poupée me plut, je ne sais. J’étais très fier d’être un garçon ; je méprisais les petites filles et j’attendais avec impatience le moment (qui, hélas ! est venu) où une barbe piquante me hérisserait le menton. Je jouais aux soldats et, pour nourrir mon cheval à bascule, je ravageais les plantes que ma pauvre mère cultivait sur sa fenêtre. C’était là des jeux mâles, je pense ! Et pourtant j’eus envie d’une poupée. Les Hercule ont de ces faiblesses. Celle que j’aimais était-elle belle au moins ? Non. Je la vois encore. Elle avait une tache de vermillon sur chaque joue, des bras mous et courts, d’horribles mains de bois et de longues jambes écartées. Sa jupe à fleurs était fixée à la taille par deux épingles. Je vois encore les têtes noires de ces deux épingles. C’était une poupée de mauvais ton, sentant le faubourg. Je me rappelle bien que, tout bambin que j’étais et n’ayant pas encore usé beaucoup de culottes, je sentais, à ma manière, mais très vivement, que cette poupée manquait de grâce, de tenue ; qu’elle était grossière, quelle était brutale. Mais je l’aimais malgré cela, je l’aimais pour cela. Je n’aimais qu’elle. Je la voulais. Mes soldats et mes tambours ne m’étaient plus de rien. Je ne mettais plus dans la bouche de mon cheval à bascule des branches d’héliotrope et de véronique. Cette poupée était tout pour moi. J’imaginais des ruses de sauvage pour obliger Virginie, ma bonne, à passer avec moi devant la petite boutique de la rue de Seine.
Le crime de Sylvestre Bonnard ; Anatole France
Je narré# je narrant // récit enchassant #récit enchassé
Mode de narration du Je narrant # mode de narration du Je narré
Flash back (retour en arrière ; projection dans le passé ; analepse ; rétrospection)
Retour de l’analepse.
Portée de l’analepse (si possible)
I- Le type narratif : D- La poésie
Le Cygne et le Cuisinier
Dans une ménagerie
De volatiles remplie
Vivaient le Cygne et l’Oison :
Celui-là destiné pour les regards du Maître,
Celui-ci pour son goût ; l’un qui se piquait d’être
Commensal du jardin, l’autre de la maison.
Des fossés du château faisant leurs galeries,
Tantôt on les eût vus côte à côte nager,
Tantôt courir sur l’onde, et tantôt se plonger,
Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.
Un jour le Cuisinier, ayant trop bu d’un coup,
Prit pour Oison le Cygne; et le tenant au cou,
Il allait l’égorger, puis le mettre en potage.
L’Oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.
Le Cuisinier fut fort surpris,
Et vit bien qu’il s’était mépris.
Quoi ? je mettrais, dit-il, un tel Chanteur en soupe !
Non, non, ne plaise aux Dieux que jamais ma main coupe
La gorge à qui s’en sert si bien.
Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe
Le doux parler ne nuit de rien.
Jean de Lafontaine
Autour du texte
Personnages de la fable
Métrique : sensibilisation au décompte des syllabes avec l’aide du professeur.
Sensibilisation aux éléments musicaux : rimes, allitérations, assonances
Schéma narratif
Morale de la fable